Dans un monde où les interactions numériques font partie intégrante du quotidien, les réseaux sociaux et les relations sociales exercent une influence profonde sur la construction de l’identité, la motivation et la confiance en soi des athlètes. Chez les plus jeunes sportifs, ces environnements peuvent agir comme des leviers de développement personnel ou, au contraire, comme des sources de vulnérabilité psychologique (Smith & Sanderson, 2015).
Cet article propose de décrypter comment les relations sociales et digitales façonnent la trajectoire sportive, tout en identifiant les stratégies permettant d’en faire un allié plutôt qu’un risque.
L’environnement social de l’athlète : un facteur clé de développement
Les pairs, qu’il s’agisse d’amis, de coéquipiers ou de camarades de classe, jouent un rôle déterminant dans la socialisation sportive. Les interactions positives renforcent le sentiment d’appartenance et la motivation intrinsèque, favorisant un engagement durable dans la pratique (Allen, 2003). En revanche, des dynamiques sociales marquées par la compétition interne, la comparaison sociale ou la peur du jugement peuvent générer du stress et une baisse de confiance (Keegan et al., 2009) et au final impacter la performance. La qualité du climat social : soutien, reconnaissance, coopération, influence donc directement la satisfaction psychologique et la résilience du jeune athlète face aux défis du sport de haut niveau (Jowett & Lavallee, 2007).
Si le sujet vous intéresse, un article complet à été publié sur la relation entre le coach, l’athlète et les parents, et comment ce trio influence la motivation, la confiance et le bien-être du jeune sportif. On y explore les rôles de chacun, les sources de tensions fréquentes et les clés pour instaurer une communication saine autour de l’athlète. Pour comprendre comment cet équilibre relationnel impacte directement la progression et l’épanouissement du jeune, vous pouvez lire l’article ici.
Les réseaux sociaux : miroir amplifié de la performance
Les réseaux sociaux comme Instagram, Twitter, TikTok ou Snapchat sont devenus des espaces de visibilité et d’expression pour les jeunes athlètes. Ils permettent de partager des réussites, de trouver des modèles d’inspiration et d’entretenir une identité sportive publique (López-Fernández et al., 2022). Cependant, cette exposition s’accompagne de risques psychologiques : la comparaison constante avec d’autres sportifs, l’attention portée à l’image corporelle et la quête de validation sociale peuvent fragiliser l’estime de soi (Perloff, 2014).
De nombreuses études en psychologie sociale montrent que la comparaison ascendante, c’est-à-dire le fait de se comparer à plus performant que soi, peut être motivationnelle lorsqu’elle est perçue comme une source d’inspiration, mais démotivante lorsqu’elle génère un sentiment d’infériorité (Festinger, 1954 ; Fardouly & Vartanian, 2016). De ce fait, les modèles plus récents de la comparaison sociale, notamment le modèle de l’identification-contraste (Buunk & Ybema, 1997), montrent que l’effet de ces comparaisons dépend du degré d’identification que l’on éprouve envers la cible : une comparaison ascendante n’est bénéfique que si l’individu peut s’identifier à la personne plus performante. Ainsi, lorsque la cible est perçue comme similaire ou accessible, la comparaison favorise l’assimilation, renforce l’inspiration et peut soutenir le sentiment d’auto-efficacité. À l’inverse, lorsqu’elle est perçue comme trop distante ou inatteignable, la comparaison produit un effet de contraste et peut affecter la confiance.
Pour résumer, la comparaison ascendante n’est donc réellement motivante que si l’individu perçoit une certaine similarité ou proximité avec la personne de référence, permettant ainsi d’y voir un modèle atteignable plutôt qu’une menace pour son sentiment de compétence.

Quand les réseaux sociaux dispersent notre attention
Les réseaux sociaux favorisent aussi la distraction et la surcharge cognitive, car ils sollicitent en permanence notre attention par des notifications, des vidéos très courtes, des contenus changeants et des récompenses immédiates. Cette stimulation constante fragmente l’attention et peut mener à ce que certains chercheurs appellent une “fragmentation de l’attention”, une dispersion de l’attention qui, sur le long terme, imite certains symptômes du TDA sans pour autant constituer un trouble neurodéveloppemental. Lorsque l’attention est sans cesse interrompue, le cerveau s’habitue à fonctionner en mode “vigilance fragmentée”, ce qui complique la concentration sur des tâches longues, complexes ou monotones (Wegera et al 2023).
La fragmentation de l’attention crée une forme de multitâche non choisi : la personne passe d’un stimulus à l’autre sans véritable contrôle (le scroll), ce qui augmente la charge cognitive. À long terme, cela peut se traduire par des difficultés à maintenir l’attention en classe, au travail ou au sport, des erreurs d’inattention, une impatience élevée et une difficulté à tolérer les périodes de silence ou d’ennui. En psychologie cognitive, on sait que l’alternance rapide entre des tâches sollicite fortement les ressources exécutives et fatigue les circuits attentionnels (Wegera et al 2023).
Quand tout cherche à capter notre attention, notre capacité à la garder devient notre plus grande force.
La consommation d’images de performance idéalisée et les comparaisons permanentes avec des modèles inatteignables augmentent en parallèle la FOMO (fear of missing out) qui perturbe la capacité à lâcher prise mentalement. L’étude de Przybylski et al. (2013) a montré que la FOMO accroît la distractibilité, l’impulsivité et le besoin de vérifier son téléphone, renforçant ainsi la boucle de dépendance. Plus la personne a peur de rater une notification, un message ou un événement social, plus elle est susceptible de changer d’activité rapidement, au détriment de son attention soutenue.
Le cerveau n’est pas fait pour des centaines de micro-stimulations par heure : il finit par s’épuiser en silence.
Le cerveau s’habitue alors à des renforcements très rapides et continue et a de plus en plus de mal à se mobiliser pour des activités à gratification différée, comme étudier, lire ou simplement réfléchir sans distraction. Cette stimulation constante peut entraîner une diminution de la tolérance à l’effort cognitif, ce qui ressemble à l’un des symptômes courants décrits dans les troubles attentionnels (mobilisation difficile, effort coûteux).
De plus, l’impact s’observe également sur le sommeil. Du coup, moins de sommeil = moins de capacité attentionnelle le lendemain. Ce qui renforce encore les difficultés de concentration, peut impacter la performance et provoquer des blessures.

Stress, surcharge et fatigue mentale : l’impact des réseaux sociaux
L’usage intensif des réseaux sociaux peut devenir une vraie source de stress chronique, parce que l’on reste constamment connecté, exposé aux attentes sociales et au « doomscrolling »(le fait de faire défiler sans s’arrêter des nouvelles négatives, anxiogènes ou stressantes). Cela peut mener à ce qu’on appelle un burnout, une forme d’épuisement, fatigue mentale liée au fait d’être “toujours en ligne”. Les personnes qui ont une bonne autorégulation émotionnelle ou qui pratiquent la pleine conscience s’en sortent mieux (Frontiers, 2025). Enfin, ce stress prolongé perturbe l’équilibre hormonal (cortisol) et fatigue l’organisme, ce qui fragilise encore plus la santé mentale.
Vers une utilisation consciente et constructive des réseaux
Plutôt que de diaboliser les réseaux sociaux, il est essentiel d’apprendre à développer des compétences d’autorégulation. Cela fait partie intégrante de la discipline mentale de l’athlète. Concrètement, il s’agit d’apprendre à :
- Différencier la réalité de la mise en scène : comprendre que les images publiées ne reflètent qu’une partie idéalisée de la vie sportive.
- Gérer le temps d’exposition : limiter les périodes de connexion, notamment avant les compétitions ou les périodes de repos. Ensuite filtrer ce que l’on regarde, c’est protéger ce que l’on ressent : chaque contenu que vous laissez entrer dans votre esprit influence votre énergie, votre humeur et votre stabilité mentale.
- Cultiver la gratitude et l’auto-compassion : se concentrer sur ses progrès personnels plutôt que sur la comparaison surtout si de base on a tendance à se rabaisser ou faible estime de soi.
- Valoriser les interactions positives : encourager l’usage des réseaux pour créer du lien, se sentir soutenu et échanger des contenus constructifs. Ce climat positif nourrit le sentiment d’appartenance, essentiel à la motivation. À l’inverse, des expériences hostiles ou discriminatoires, comme le racisme, peuvent détériorer ce sentiment d’inclusion et entraîner une baisse de motivation, performance ou un retrait social.
Trouver l’équilibre
Les coachs et parents peuvent jouer un rôle actif dans cette éducation digitale, en discutant ouvertement des contenus consommés et en encourageant la réflexion critique plutôt que le jugement (Van Dellen & Hoyle, 2008).
Chez Au Mental, nous sommes conscient que les réseaux sociaux et l’environnement social façonnent aujourd’hui une part essentielle de la psychologie de l’athlète. Ils peuvent être des sources de soutien et de motivation, mais aussi des vecteurs de comparaison, de distraction et de fragilité.
L’enjeu n’est donc pas d’exclure ces influences, mais de les comprendre et les réguler. Accompagner les jeunes athlètes à construire une relation saine avec leur environnement social et digital, c’est les aider à renforcer leur confiance, leur autonomie et leur bien-être psychologique des piliers indispensables à la performance durable.
Références bibliographiques
Allen, J. B. (2003). Social motivation in youth sport. Journal of Sport & Exercise Psychology, 25(4), 551–567.
Buunk, B. P., & Ybema, J. F. (1997). Social comparisons and occupational stress: The identification‐contrast model. European Journal of Social Psychology, 27(3), 393–407.
Fardouly, J., & Vartanian, L. R. (2016). Social media and body image concerns: Current research and future directions. Current Opinion in Psychology, 9, 1–5. https://doi.org/10.1016/j.copsyc.2015.09.005
Festinger, L. (1954). A theory of social comparison processes. Human Relations, 7(2), 117–140. https://doi.org/10.1177/001872675400700202
Frontiers. (2025). Social media excessive use and learning burnout among college students: A stressor–strain–outcome model. Frontiers in Psychology. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2025.xxxxx
Jowett, S., & Lavallee, D. (2007). Social psychology in sport. Human Kinetics.
Keegan, R. J., Harwood, C. G., Spray, C. M., & Lavallee, D. E. (2009). A qualitative investigation of the motivational climate in elite sport. Psychology of Sport and Exercise, 10(4), 361–372. https://doi.org/10.1016/j.psychsport.2009.01.005
López-Fernández, I., Sánchez, M. Á., & González, J. (2022). Athletes on social media: Between performance and identity. International Journal of Sport Communication, 15(2), 183–198. https://doi.org/10.1123/ijsc.2021-0023
Perloff, R. M. (2014). Social media effects on young women’s body image concerns: Theoretical perspectives and an agenda for research. Sex Roles, 71(11–12), 363–377. https://doi.org/10.1007/s11199-014-0384-6
Przybylski, A. K., Murayama, K., DeHaan, C. R., & Gladwell, V. (2013). Motivational, emotional, and behavioral correlates of fear of missing out. Computers in Human Behavior, 29(4), 1841–1848. https://doi.org/10.1016/j.chb.2013.02.014
Smith, L. R., & Sanderson, J. (2015). I’m going to Instagram it! An analysis of athlete self-presentation on Instagram. Journal of Broadcasting & Electronic Media, 59(2), 342–358. https://doi.org/10.1080/08838151.2015.1029125
Van Dellen, M. R., & Hoyle, R. H. (2008). Regulatory accessibility and social comparison: Knowing and using information about the self. Personality and Social Psychology Bulletin, 34(3), 423–433. https://doi.org/10.1177/0146167207311202
Wegera, A., et al. (2023). Social media use and everyday cognitive failure: Investigating the fear of missing out and social networks use disorder relationship. BMC Psychiatry, 23, 872. https://doi.org/10.1186/s12888-023-05371-x






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