Dans le sport de haut niveau, on célèbre la force, la maîtrise et la résilience. Mais derrière cette image, une réalité bien plus complexe persiste: celle d’athlètes qui apprennent à taire leurs fragilités pour protéger leur place, leurs contrats et leur réputation. Beaucoup semblent aller parfaitement bien… alors qu’intérieurement, les tensions, le doute et l’épuisement s’accumulent.
Le paradoxe des élites sportives
Dans le monde du sport de haut niveau, une quelconque faiblesse mentale ou psychologique est perçue comme fatale et est donc taboue. Il n’y a que la force mentale et psychologique qui règne aux côtés de la performance physique. L’athlète est perçu comme un modèle de maîtrise, d’endurance, de persévérance dans la compétition. Dans cette culture, montrer des signes de fragilité comme de la fatigue mentale, du doute ou de l’anxiété, peuvent être interprétés comme un “manque” chez l’athlète. Ce manque serait vu comme une menace mettant en péril la confiance des coachs ou l’image publique de l’athlète et donc avoir un impacte sur sa sélection et ses opportunités de contrat.
Pour beaucoup d’athlètes et en particulier les plus jeunes, cette pression conduit à un camouflage, conscient ou inconscient, de tout ce qui pourrait être perçu comme un signe de faiblesse. Cela crée une illusion extérieure où tout semble “aller à merveille” sous la forme d’entraînements réguliers, de performances excellentes, de sourires, de discipline, alors qu’en réalité, l’intérieur peut être fragilisé.
Problèmes de santé mentale chez les athlètes
Des données scientifiques montrent que les sportifs sont exposés à des risques de troubles psychiques comparables à ceux de la population générale. Les recherches montrent qu’entre 5 % et 35 % des athlètes d’élite présentent un trouble de santé mentale, et les chiffres sont encore plus élevés chez les étudiants-athlètes. Parmi les problèmes les plus fréquents :
- Dépression : taux similaires à la population générale, mais moins de demandes d’aide.
- Anxiété : environ 50 % des athlètes universitaires ont vécu une anxiété intense durant l’année précédente.
- Syndrome de surentraînement : la pression pour performer peut mener au burnout physique et psychologique.
- Troubles alimentaires : particulièrement dans les sports où un faible poids procure un avantage.
- Troubles liés au stress traumatique : blessures et commotions peuvent provoquer des symptômes proches du PTSD.
- Troubles du sommeil : entraînements, compétitions et stress perturbent le rythme circadien, ce qui peut accentuer les problèmes mentaux.
Malgré cela, beaucoup d’athlètes n’expriment pas leur souffrance et ne demandent pas d’aide par peur d’être vus comme incapable de continuer et donc compromettre leur carrière. Il va donc de leur entourage de ne pas se contenter d’un simple “ca va” de la part des athlètes (Cleveland Clinic, 2024).
La communication d’apparence : ce que l’on montre ≠ ce que l’on vit
Le décalage entre ce qu’un athlète montre et ce qu’il ressent peut s’expliquer par la culture sportive mais aussi par les mécanismes individuels. Beaucoup “jouent le rôle” comme être performant, rassurant ou constant pour ne pas inquiéter la famille, les coaches et les coéquipiers. Ils développent des stratégies de survie psychique comme “tenir bon”, “ne pas en parler”, “se battre en silence”. Cela peut marcher un temps, mais à long terme, le stress cumulatif (physique + mental) peut déstabiliser l’équilibre. Parfois, ce sont des blessures, un échec, une période de transition qui brisent la façade: l’épuisement, l’angoisse, la perte de sens, le vide intérieur se révèlent alors.
Un athlète peut donc avoir un haut niveau de bien-être subjectif (motivation, énergie, satisfaction), tout en présentant des symptômes d’anxiété, de ruminations ou d’épuisement.

L’environnement élite
Chez les sportifs, le bien-être psychologique et la souffrance ne s’opposent pas, ils peuvent coexister. Le « two continua model »(Keyes, 2002) montre que le bien-être et les symptômes psychiques évoluent sur deux axes indépendants. Ainsi, un jeune athlète peut être performant, investi et prétendre que tout va bien, tout en se sentant vulnérable intérieurement, un paradoxe confirmé dans le sport de haut niveau (Henriksen & Schinke, 2021). L’environnement élite renforce cette ambiguïté: les athlètes apprennent souvent à camoufler leurs fragilités par peur de perdre leur place, d’être jugés ou de décevoir (Reardon et al., 2019).
Si on prend l’exemple de Simone Biles, icône mondiale, elle a longtemps été perçue comme invincible. Et pourtant, lors des Jeux Olympiques de Tokyo, elle révèle publiquement un profond mal-être mental, après des années à cacher ses fragilités pour continuer à performer. Son cas illustre parfaitement la pression du “tu dois être forte quoi qu’il arrive”. Ou encore Naomi Osaka, début 2021, qui se retire de Roland Garros pour préserver sa santé mentale. Elle explique avoir masqué anxiété, pression médiatique et fatigue psychique durant des mois, de peur d’être jugée ou sanctionnée. Une démonstration claire de ce paradoxe.
Aujourd’hui, on observe une augmentation des symptômes invisibles chez les jeunes tels que le renfermement, l’hypervigilance, le perfectionnisme, les stratégies de contrôle, l’anxiété de performance, ainsi que la pression liée aux réseaux sociaux (Hill et al., 2020). Extérieurement, ils semblent aller bien… jusqu’au moment où ils ne vont plus bien. D’où la nécessité de viser non seulement l’absence de symptômes, mais un fonctionnement mental stable, soutenu et durable (Henriksen, 2015).
Optimiser le bien-être plutôt que simplement éviter le mal-être
L’enjeu ici n’est plus seulement la prévention des troubles, mais l’optimisation du fonctionnement mental: clarté, récupération, émotions régulées, capacité d’adaptation générale et à la transition post-carrière. Comme le soulignent Moore & Bonagura (2022), la performance durable repose sur des ressources psychologiques solides, pas sur l’absence de symptômes.
Le stress peut simultanément pousser l’athlète vers le haut et l’épuiser. L’excitation et la pression sont des carburants de performance, mais deviennent toxiques lorsqu’ils dépassent les ressources internes (McEwen, 2004). Chez les jeunes talents, ce paradoxe est encore plus marqué. Ils ont une forte motivation mais des systèmes de régulation émotionnelle encore fragiles (Compas et al., 2017).
La recherche montre que le soutien perçu est l’un des meilleurs protecteurs contre le mal-être et l’un des meilleurs stimulateurs de performance (Rees & Freeman, 2009). C’est là que le suivi psychologique devient essentiel: créer un espace où l’on peut dire “ça va, mais pas complètement”, travailler les fragilités sans honte et transformer le vécu émotionnel en ressource plutôt qu’en poids.
Au Mental : un accompagnement qui optimise, prévient et protège
Chez Au Mental, notre approche vise à optimiser le bien-être, renforcer la stabilité mentale, développer la clarté émotionnelle et la flexibilité psychologique des compétences qui protègent autant qu’elles soutiennent la performance. Nous déconstruisons la culture du silence, du mental “tough” et de la solitude dans l’effort. Ici, l’athlète a un espace pour comprendre ce qu’il ressent, réguler ce qui déborde et transformer son vécu mental en ressource durable. L’objectif n’est pas seulement la réparation, mais aussi la prévention et la construction d’un terrain psychologique solide pour performer avec plaisir, régularité et longévité.
Si tu veux en savoir plus sur le paradoxe de la confiance en soi dans le sport et découvrir comment les athlètes apprennent à trouver l’équilibre entre confiance, doute et performance, je te recommande de lire cet article complet. Mais également d’écouter notre podcast sur un ancien athlète qui se confie sur la dure réalité du football professionnel.
Références bibliographiques
- Cleveland Clinic. (2024, juillet 22). Mental health in athletes: Breaking the stigma. Health Essentials. https://health.clevelandclinic.org/mental-health-in-athletes
- Compas, B. E., et al. (2017). Adolescent stress and coping: Developmental perspectives. Youth & Society, 52(4), 567–585. https://doi.org/10.1177/0044118X19898888
- Henriksen, K. (2015). Successful talent development in sport: The elite youth sport environment. Sport, Exercise, and Performance Psychology, 4(3), 125–138. https://doi.org/10.1037/spy0000037
- Henriksen, K., & Schinke, R. (2021). Psychological aspects of elite sport culture and athlete well-being. International Journal of Sport Psychology, 52(1), 3–20.
- Hill, A., et al. (2020). Emerging mental health issues among youth athletes: Risk and protective factors. Youth & Society, 52(4), 567–585. https://doi.org/10.1177/0044118X19898888
- Keyes, C. L. M. (2002). The mental health continuum: From languishing to flourishing in life. Journal of Health and Social Behavior, 43(2), 207–222. https://doi.org/10.2307/3090197
- McEwen, B. S. (2004). Protective and damaging effects of stress mediators: Central role of the brain. Dialogues in Clinical Neuroscience, 6(4), 367–381. https://doi.org/10.31887/DCNS.2004.6.4/bmcewen
- Moore, Z., & Bonagura, J. (2022). Optimizing mental health and performance in athletes: Psychological resources for sustainable success. Journal of Sport Psychology in Action, 13(2), 101–115. https://doi.org/10.1080/21520704.2022.2041520
- Reardon, C. L., Hainline, B., Aron, C. M., et al. (2019). Mental health in elite athletes: International Olympic Committee consensus statement. British Journal of Sports Medicine, 53(11), 667–699. https://doi.org/10.1136/bjsports-2019-100715
- Rees, T., & Freeman, P. (2009). The effects of perceived and received support on elite athletes’ performance. Journal of Sports Sciences, 27(1), 105–115. https://doi.org/10.1080/02640410802416809





