La « double carrière » des athlètes

Pour beaucoup de jeunes sportifs en Belgique ou ailleurs le défi est double : exceller dans le sport et assumer un bon niveau de scolarité. L’enjeu : assurer un avenir, tant sportif que éducatif, mais aussi tout en veillant à ce que la scolarité ne vienne pas freiner la performance et que le sport ne fasse pas obstacle aux études. Comment “tenir” les deux sans s’épuiser ? Comprendre comment transformer la scolarité en ressource plutôt qu’en contrainte est un enjeu crucial pour l’épanouissement des jeunes sportifs et une réflexion essentielle pour les parents comme pour les entraîneurs.

Identité : jouer la double partition entre athlète et étudiant

La notion de « double carrière » (ou dual career) désigne l’engagement simultané dans une carrière sportive exigeante (entraînements, compétitions) et une carrière éducative ou académique (études, formation). Cette réalité touche directement à l’identité. D’un côté, l’athlète évolue dans un environnement de performance, de pression, de rythme intense ; de l’autre, l’étudiant fait face à des attentes scolaires, des échéances, un cadre plus intellectuel et méthodique.

Trouver un équilibre entre ces deux pôles n’est pas simple : cette dualité crée une dissonance, celle de devoir exister pleinement dans deux mondes aux logiques parfois opposées (sujet abordé dans le podcast avec Jean-François Lenvain et Lola Mansour). Pourtant, c’est précisément dans cet inconfort que se joue le développement identitaire.
Les recherches montrent que les athlètes capables de se définir à la fois comme sportifs et comme étudiants développent une plus grande stabilité émotionnelle et une meilleure résilience face aux transitions de carrière (Stambulova & Harwood, 2022).
Ne pas se réduire à une seule étiquette protège contre les chocs d’échec ou de blessure et permet de se connaître autrement que par la performance.

L’inconfort de cette double appartenance devient donc un espace de construction de soi : il oblige à se questionner, à s’organiser, à se positionner, et à définir ce qui, au-delà du sport, fonde la valeur personnelle.

Organisation, discipline et motivation : transformer l’inconfort en moteur

La double carrière confronte l’athlète-étudiant à une exigence permanente : charges horaires lourdes, déplacements, pression des résultats, examens, manque de sommeil. Cette accumulation crée un inconfort qui, selon la manière dont il est vécu, peut devenir soit un frein, soit une formidable école de rigueur.

Bien géré, cet inconfort forge des compétences transférables : discipline, organisation, autonomie, gestion du temps et des émotions. Ces qualités acquises dans un domaine nourrissent la performance dans l’autre. À l’inverse, un déséquilibre: manque d’organisation, stress mal géré, surcharge,.. engendre de la fatigue, perte de motivation, voire risque de blessure.

Les études le confirment : une gestion claire des priorités libère de l’espace cognitif, diminue la charge mentale et améliore la performance sportive (Hassan et al., 2023). Ainsi, dans la carrière sportive comme dans les études, apprendre à être « à l’aise dans l’inconfort » favorise la concentration, la résilience et la performance sous pression.
D’autres recherches en psychologie du sport soulignent d’ailleurs que la tolérance à l’inconfort distingue souvent les athlètes les plus performants des autres : elle développe la capacité à rester lucide, à se réguler et à maintenir la motivation même quand les conditions sont instables ou difficiles.

Gestion émotionnelle : apprendre à être confortable dans l’inconfort

Mais l’inconfort n’est pas seulement physique ou organisationnel ; il est aussi émotionnel.

Le sentiment de ne pas être à la hauteur, de ne plus savoir où placer ses priorités, ou encore la peur de décevoir l’entraîneur, les professeurs et les parents peut générer frustration, irritabilité et perte de confiance. Pourtant, cet inconfort émotionnel n’est pas à fuir : il constitue un terrain d’entraînement mental. Savoir l’accueillir, le comprendre et le réguler renforce la stabilité psychologique.

Les études récentes montrent que les athlètes qui apprennent à identifier leurs signaux internes de surcharge (« je dors mal », « je perds patience », « je n’ai plus envie ») développent une meilleure capacité de récupération et une plus grande endurance mentale (Jiang & Wang, 2025). Ainsi, reconnaître l’inconfort, le verbaliser, puis ajuster ses comportements (planifier, demander du soutien, se reposer) sont des étapes clés.

Apprendre à être confortable dans l’inconfort, c’est donc développer une compétence psychologique fondamentale : celle de rester présent, ancré et cohérent, même dans les périodes de déséquilibre. Cela permet d’affronter plus sereinement les situations complexes : un désaccord avec un coach, une tension dans l’équipe, un échec académique ou une contre-performance.

L’inconfort, loin d’être un ennemi, devient alors un repère : il indique où se situe la zone de croissance. C’est dans cette zone que se développent la maturité, la stabilité identitaire et la performance durable.

Stratégies pour « tenir les deux » ?

Trouver l’équilibre entre les études et le sport de haut niveau, c’est avant tout apprendre à s’organiser et à se connaître.

Chez Au Mental, nous accompagnons les athlètes pour qu’ils transforment leurs contraintes quotidiennes en leviers de performance et de stabilité mentale. Cela passe par une planification réaliste et souple : établir un emploi du temps hebdomadaire où chaque dimension de la vie trouve sa place: les entraînements, les cours, le sommeil, mais aussi les temps de repos et de loisir. Repérer les périodes critiques, comme les examens ou les grandes compétitions, permet d’ajuster le rythme et d’éviter la surcharge. De plus, il est essentiel de prévoir des marges de manœuvre, des “périodes tampons” qui servent à récupérer et à garder du recul.

Le corps et l’esprit sont interdépendants : sans récupération, pas de progression durable. C’est pourquoi nous insistons sur la mise en place de rituels de ressourcement : sommeil régulier, alimentation équilibrée, pauses, respiration consciente. L’athlète doit apprendre à écouter ses signaux internes, à exprimer sa fatigue, ses frustrations ou ses doutes. Trop souvent, le silence précède le surmenage ; parler, c’est déjà prévenir.

Chez Au Mental, nous considérons la scolarité comme une ressource. Les études développent des compétences directement transférables au sport : organisation, rigueur, persévérance, gestion du temps, réflexion stratégique, discipline. Elles permettent surtout à l’athlète de se construire une identité complète et pas seulement “le sportif”, mais une personne qui apprend et s’épanouit dans plusieurs sphères. Cette pluralité d’identité protège face aux échecs sportifs et renforce la résilience.

Coopérer et s’entourer

La coopération entre les différents entraîneurs, enseignants, coachs et parents est également essentielle. Ensemble, ils peuvent créer un environnement cohérent, aligné autour du bien-être de l’athlète. Un simple échange d’informations ou un aménagement ponctuel peut faire toute la différence.

Enfin, le suivi psychologique joue un rôle clé. Accompagner l’athlète dans la compréhension de ses identités, de sa motivation et de sa charge mentale permet d’éviter les excès : la perte de plaisir, ou le risque de burnout et de crises d’angoisses, des moments de recul sur le parcours personnel et sportif sont des outils puissants pour tenir dans la durée.

L’équilibre entre scolarité et la carrière sportive est un défi majeur, mais aussi une opportunité pour l’athlète. Bien géré, ce contexte est une ressource ; il permet un développement de compétences, de la motivation, un développement d’identité plurielle, de la discipline, de l’engagement, découvrir ce qu’on aime vraiment. Mais aussi, elle favorise la résilience face aux transitions, en offrant des repères au-delà du sport. Par contre, mal géré, il peut devenir une contrainte sous forme de charge mentale, fatigue, désorganisation, stress, abandon ou anxiété.

La clé est une gestion proactive : emploi du temps bien pensé, organisation logistique, appui psychologique, et coopération entre les parties prenantes (études, sport, entourage).

En novembre 2025, notre série mettra à l’honneur l’environnement de l’athlète, un thème essentiel mais souvent sous-estimé. Derrière chaque performance se cache un écosystème complexe de relations, d’influences et de contextes.
Au fil du mois, nous explorerons quatre dimensions clés : l’équilibre entre école et sport, la relation coach–parents–athlète, l’impact du social et du digital, et enfin le rôle de la famille et de la culture. Autant de regards croisés pour mieux comprendre ce qui façonne le parcours et la carrière du sportif au quotidien.

Pour aller plus loin, découvrez aussi :

Références bibliographiques 

  • Stambulova, N., & Harwood, C. (2022). A “Dual Career”: Combining Sport and Studies. Frontiers for Young Minds, 10. (ResearchGate)
  • van Rens, F. E. C. A., Ashley, R. A., & Steele, A. R. (2018). Well-being and Performance in Dual Careers: The Role of Academic and Athletic Identities. The Sport Psychologist. (ResearchGate)
  • Hassan, Y., Mukherjee, S., Carlsson-Wall, M., Njavro, M., & Schmidt, S. L. (2023). A holistic approach to the dual career of the student-athlete: Interplay of sports and education. A review of dual career literature. (ResearchGate)
  • Jiang, X., & Wang, K. (2025). Exploring relationships between identities, dual career competency, and burnout among young talented athletes. BMC Psychology. (BioMed Central)
  • Barnes, J. (2025). European perspectives on supports for university student-athletes’ dual careers. Journal of Higher Education Athletics & Innovation. (journals.shareok.org)

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