Chez AU MENTAL, nous le constatons chaque jour : le mental ne se résume pas à une simple prédisposition, il se construit progressivement. Cette construction débute souvent par le choix des mots que l’athlète utilise à son propre égard. L’auto-suggestion correspond à cet art de se parler à soi-même de manière volontaire et orientée, afin d’agir sur ses états émotionnels, ses prises de décision et ses performances. Derrière cette apparente simplicité se cache un véritable levier de régulation psychologique et cognitive.
En psychologie cognitive, ces processus reposent sur ce que l’on appelle les schémas mentaux : des représentations internes qui déterminent la manière dont l’athlète perçoit, interprète et réagit aux différentes situations. En répétant des affirmations positives et ciblées, ces schémas peuvent être reprogrammés, installant de nouvelles croyances internes qui viennent soutenir la performance.
Ainsi, au fil des répétitions, ces affirmations s’enracinent dans le système nerveux de l’athlète et finissent par conditionner ses comportements et ses réactions émotionnelles sur le terrain. Parmi les phrases que nous utilisons couramment avec les sportifs que nous accompagnons figurent : « Je suis stable et lucide sous pression », « Je transforme la difficulté en énergie » ou encore « Je suis prêt à exprimer mon potentiel aujourd’hui ».
L’exemple Coco Gauff : écrire sa victoire avant de la vivre
L’expérience de Coco Gauff à Roland-Garros en 2025 illustre avec justesse la puissance de l’auto-suggestion dans la préparation mentale de haut niveau. Avant même de soulever son trophée, la victoire avait été programmée dans son esprit.
Quelques mois avant son triomphe parisien, Coco sortait d’une période de doutes intenses. Sa défaite à l’US Open et la pression constante du circuit avaient ébranlé sa confiance. Comme de nombreux athlètes, elle avait été confrontée à cette voix intérieure qui génère des pensées paralysantes : « Et si je ne suis pas assez forte ? » ou encore « Et si je refais les mêmes erreurs qu’en 2022 ? ». Ces ruminations typiques en période de forte pression, telles que décrites notamment par Gross (2002), auraient pu la fragiliser. Pourtant, Coco a choisi de prendre ces pensées en main et de les transformer grâce à un protocole simple mais puissant : l’écriture d’affirmations.
Chaque jour, sur papier ou dans son téléphone, Coco écrivait plusieurs fois la même phrase : « Je vais gagner Roland-Garros 2025 ». Ce processus d’écriture active plusieurs mécanismes psychologiques : il fixe un objectif clair dans le cerveau, stimule la recherche d’arguments internes en faveur de la réussite et renforce l’engagement émotionnel de l’athlète vis-à-vis de cet objectif. Loin d’être anodine, l’écriture transforme progressivement un souhait en une conviction intérieure. Cette technique, bien connue en thérapie cognitive et en préparation mentale d’élite, inscrit l’objectif dans l’identité même de l’athlète.

En parallèle de ce travail d’écriture, Coco pratiquait chaque soir un rituel devant son miroir, se regardant droit dans les yeux pour répéter son affirmation. Ce rituel quotidien, qu’elle pratiquait sans certitude initiale quant à son efficacité, participait à l’ancrage visuel et émotionnel de ses croyances. Voir son propre reflet renforce la crédibilité du message. Ce contact visuel mobilise à la fois les systèmes émotionnels et rationnels du cerveau, engageant simultanément le système limbique et le cortex préfrontal, comme l’ont démontré les travaux de Moser et al. (2017). Chez AU MENTAL, ce type de travail miroir fait partie intégrante des outils que nous proposons, notamment aux jeunes sportifs en quête de confiance et de stabilité identitaire.
Mais au-delà de ces routines, Coco ne s’est pas contentée de refouler ses doutes. Elle les a utilisés comme matière première pour travailler mentalement. Ce processus de recadrage est un exemple de flexibilité cognitive : la capacité à modifier la signification de ses pensées et émotions pour en faire des ressources plutôt que des obstacles. C’est précisément ce type de travail que nous accompagnons chez AU MENTAL, en aidant nos athlètes à identifier leurs pensées automatiques, à les reformuler et à concevoir des scripts mentaux spécifiques aux moments de haute pression.
Ainsi, lorsqu’elle est entrée sur le central de Roland-Garros, une grande partie du travail mental avait déjà été accomplie. Son cerveau et son système émotionnel avaient été conditionnés durant des semaines pour fonctionner dans une logique de victoire. Coco n’a pas attendu que le score lui donne confiance ; elle s’est crue capable avant même de jouer. C’est ce que nous répétons souvent aux athlètes que nous accompagnons : le mental n’est pas une réaction, c’est une préparation. L’auto-suggestion prépare le terrain mental pour affronter les épreuves avec stabilité et lucidité.
Sur le terrain : là où le mental fait la différence
L’enjeu de la préparation mentale se manifeste pleinement au moment de la compétition, lorsque chaque échange peut faire basculer l’issue d’un match. Durant sa finale contre Aryna Sabalenka, Coco Gauff a parfaitement illustré cette dynamique du travail invisible qui s’exprime lorsque la pression est maximale.
Face à Sabalenka, connue pour ses variations émotionnelles et ses débordements sous pression, Coco est restée d’une remarquable stabilité émotionnelle. Elle expliquait privilégier l’expression de ses émotions pendant l’entraînement, pour préserver son calme en situation de match. Cette stratégie reflète l’une des bases de la régulation émotionnelle proactive : l’entraînement autorise l’expression émotionnelle, tandis que la compétition mobilise le contrôle émotionnel. Cette capacité à compartimenter les émotions est développée grâce à des techniques spécifiques de gestion du stress, de respiration, de pleine conscience et d’exposition progressive à des situations sous pression.
En parallèle de cette stabilité émotionnelle, Coco a su démontrer une excellente capacité d’adaptation tactique malgré des conditions de jeu difficiles marquées par le vent. Là où le stress paralyse souvent la prise de décision, sa flexibilité cognitive lui a permis de conserver son plan stratégique avec lucidité. Cette aptitude est le fruit d’un entraînement ciblé visant à développer la prise de décision sous contrainte, l’adaptation aux imprévus et le maintien du focus adaptatif.
Au-delà de la gestion tactique, Coco a dû également faire face à la mémoire émotionnelle de son échec de 2022 en finale à Paris. Cette expérience aurait pu la fragiliser ; au contraire, elle l’a intégrée comme un levier de progression. Ce type de restructuration émotionnelle, que nous pratiquons régulièrement chez AU MENTAL, permet de transformer les échecs sportifs en ressources de maturité et de solidité mentale.
Tout au long du match, Coco est restée pleinement engagée, ni submergée par ses émotions, ni anesthésiée. Elle a atteint cet état optimal de lucidité émotionnelle que nous appelons la zone d’engagement fluide. Ce mode de fonctionnement permet à l’athlète de mobiliser ses ressources mentales sans surcharge cognitive, favorisant ainsi une performance régulière même dans les moments décisifs.

Malgré des conditions de jeu difficiles marquées par le vent, Coco a su ajuster son jeu en permanence, alternant défense patiente, variation des rythmes et prises d’initiatives au filet. Là où le stress fige souvent la prise de décision, sa flexibilité cognitive lui a permis de conserver son plan stratégique avec lucidité. Cette aptitude est le fruit d’un entraînement ciblé visant à développer la prise de décision sous contrainte, l’adaptation aux imprévus et le maintien du focus adaptatif.
Deux ans plus tôt, Coco avait connu l’amertume d’une défaite en finale à Paris. Cette expérience aurait pu fragiliser son mental. Au contraire, elle a su transformer cette mémoire douloureuse en levier de progression. Elle n’a pas nié cet échec, mais l’a intégré comme une étape constructive de son développement mental. Ce type de restructuration émotionnelle permet de transformer les échecs sportifs en ressources de maturité et de solidité mentale.
Tout au long du match, Coco est restée pleinement engagée, ni submergée par ses émotions, ni anesthésiée. Elle a atteint cet état optimal de lucidité émotionnelle que nous appelons la zone d’engagement fluide. Ce mode de fonctionnement permet à l’athlète de mobiliser ses ressources mentales sans surcharge cognitive, favorisant ainsi une performance régulière même dans les moments décisifs.
Pourquoi l’auto-suggestion fonctionne scientifiquement
L’auto-suggestion repose sur des mécanismes scientifiques solides. Par la répétition, elle exploite la plasticité neuronale, renforçant progressivement les circuits cognitifs associés à des états mentaux spécifiques. Cette répétition rend accessible, même sous pression, l’état émotionnel recherché.
Elle agit également sur l’identité de l’athlète. En répétant des affirmations identitaires positives, le sportif aligne progressivement sa perception de lui-même avec les comportements attendus en compétition, réduisant ainsi les résistances internes et favorisant la fluidité de la performance.
Sur le plan motivationnel, l’auto-suggestion active le phénomène de croyance anticipée, renforçant la motivation intrinsèque et transformant les obstacles en défis mobilisateurs. Parallèlement, la répétition d’affirmations constructives active le système parasympathique, induisant une régulation naturelle du stress par le contrôle de la respiration, du rythme cardiaque et des réactions émotionnelles.
Enfin, l’utilisation du dialogue interne à la troisième personne, ou self-distancing, permet à l’athlète de prendre du recul émotionnel. Cette stratégie engage le cortex préfrontal, réduit l’hyperactivation émotionnelle de l’amygdale et favorise des prises de décision lucides même en situation de très haute pression.
L’efficacité de l’auto-suggestion réside ainsi dans sa capacité à associer programmation cognitive, régulation émotionnelle, motivation et contrôle exécutif pour installer des automatismes mentaux durables.
L’approche AU MENTAL : une intégration complète de l’auto-suggestion
Chez AU MENTAL, l’auto-suggestion est intégrée dans un protocole global et individualisé. Chaque programme débute par une évaluation approfondie des besoins et des freins de l’athlète. Les affirmations sont construites sur-mesure, formulées au présent, en cohérence avec son identité et ses objectifs spécifiques.
L’installation de ces affirmations s’effectue à travers des routines quotidiennes soigneusement structurées : répétitions au réveil, centrage mental avant l’entraînement, travail miroir et visualisation avant la compétition, débriefing mental après les performances. Ce cadre rigoureux permet de consolider les nouvelles représentations internes de manière progressive et stable.

Au-delà des affirmations, l’auto-suggestion est systématiquement couplée aux autres outils de préparation mentale que nous déployons : régulation émotionnelle par la respiration et la pleine conscience, visualisation sous contrainte, restructuration des croyances limitantes, travail de self-distancing et planification des routines de performance.
Notre approche repose ainsi sur un équilibre permanent entre travail identitaire, régulation émotionnelle et programmation cognitive. Cette intégration globale permet à l’athlète de maintenir une régularité mentale et de conserver sa lucidité même face aux exigences extrêmes du haut niveau.
En résumé : des mots simples, des effets puissants
Sous une apparente simplicité, l’auto-suggestion mobilise des mécanismes cognitifs et émotionnels puissants. Chaque mot répété contribue à façonner la physiologie, l’attention et la stabilité émotionnelle de l’athlète, constituant un repère fiable au cœur de l’incertitude compétitive.
Chez AU MENTAL, nous observons quotidiennement cette évolution. L’athlète qui doutait trouve peu à peu sa stabilité, celui qui redoutait l’échec transforme l’adversité en moteur de progression, et celui qui manquait de confiance construit des repères solides pour affronter la pression. Les mots deviennent alors de véritables instruments de pilotage mental. Ils permettent de transformer la psychologie en actions concrètes, de structurer des routines efficaces et de bâtir une régularité mentale indispensable avant toute régularité de performance. Car avant de gagner sur le terrain, il faut d’abord apprendre à gagner dans son propre esprit.
Emiram JOSEPH – Psychologue clinicienne
Bibliographie
- Beck, A. T. (2011). Cognitive Behavior Therapy: Basics and Beyond. Guilford Press.
- Bandura, A. (1997). Self-efficacy: The exercise of control. Freeman.
- Gross, J. J. (2002). Emotion regulation: Affective, cognitive, and social consequences. Psychophysiology, 39(3), 281–291.
- Hebb, D. (1949). The Organization of Behavior. Wiley.
- Kross, E., & Ayduk, Ö. (2011). Self-distancing: Theory, research, and current directions. Advances in Experimental Social Psychology, 44, 81–136. https://doi.org/10.1016/B978-0-12-385522-0.00003-2
- Moser, J. S., Dougherty, A., Mattson, W. I., Katz, B., Moran, T. P., Guevarra, D. A., & Kross, E. (2017). Third-person self-talk facilitates emotion regulation without engaging cognitive control: Converging evidence from ERP and fMRI. Scientific Reports, 7, 4519. https://doi.org/10.1038/s41598-017-04047-3
- Oyserman, D., et al. (2015). Identity-based motivation: Implications for health and education interventions. Journal of Personality and Social Psychology, 109(5), 853–870.